ADRIAN "FUNNY" FLORES
Il sentait le béton froid contre l’arrière de sa tête, le long du dos et où il était assis. La fatigue commençait à l’envahir, il avait de la peine à bouger. Il tenta un petit mouvement pour essayer de se relever mais ce simple effort raviva la douleur de son épaule. Là où il s’était prit le coup de couteau. Il grimaça de douleur et réussit tout de même à porter son joint à ses lèvres pour y tirer une très grande bouffée. Tout devenait de plus en plus flou autour de lui, même la sensation de froid semblait disparaître. Puis, plus rien, le noir total.
Durant cette absence, Adrián sembla voyager dans ses souvenirs. Il se souvenait du Mexique et les favelas où il vivait. Il se souvenait avoir eu faim et avoir de la peine à dormir lorsque l’eau s’incrustait dans sa chambre quand il pleuvait. Ses souvenirs voyagèrent. Il se voyait avec ses parents, traverser illégalement la frontière américaine, la peur au ventre. Ils avaient traversé les états le plus rapidement possible jusqu’à Los Angeles, leur but final: La Californie, le rêve américain. Ils avaient réussis bordel ! Bien entendu ça n’avait pas été tous les jours faciles. Son père et sa mère avaient réussi à trouver un petit travail et dès ses 14 ans, Adrián avait commencé à travailler lui aussi. Il fallait bien que la famille puisse se nourrir, son frère et sa sœur étaient bien trop petits pour se douter de quoi que ce soit.
C’est ainsi qu’à ses 15 ans, Adrián rentrait très tard du travail. Il avait trouvé un petit poste dans un cinéma et devait ainsi rentrer après la dernière séance, une fois qu'il avait fini de ranger. Pour être honnête, il se réjouissait de rentrer, voir sa famille et retrouver son lit. Il marcha entre les quartiers malfamés de Los Angeles pour atteindre enfin son petit chez lui. Il ouvrit la porte et... rien. L’appartement était entièrement plongé dans l’obscurité, pas un bruit, personne. Adrián s’avança, sourcils froncés et commença à fouiller. Personne. Rien. Il se mit a les appeler, paniqué mais l’appartement était bel et bien vide. Il tenta de s’intéresser aux détails pour en apprendre plus sur ce qu’il s’était passé et son regard se déposa sur des marques d’altercations au sol. Des meubles à moitié cassés, des affaires manquantes, son cœur rata un battement, il y avait eu quelque chose de grave. A cet instant il remarqua du coin de l’œil le voisin l’espionner d’une manière faussement discrète. Il l’entendit même murmurer à sa femme: le grand.. pas là... police...’’ il n’entendit que deux trois mots mais cela suffit à lui faire comprendre ce qui était en train de se passer. Il eut l’impression de se prendre une grande claque surtout lorsqu’il tomba sur une feuille au sol. Un avis d’expulsion...Sa famille avait été dénoncée par quelqu’un puis expulsée. Il n’eut pas le temps de prendre véritablement conscience de la situation qu’il partit en courant dans sa chambre et prit le plus d’affaires qu’il put. A manger, à boire, des vêtements et fuit l’appartement au pas de course. On ne devait pas le retrouver, il devait le faire pour ses parents.
Le souvenir commençait à se flouter. Il se voyait pleurer dans la rue, totalement perdu. Il se voyait aussi voler, agresser des gens. Il voyait le gang, il voyait Tyron et soudain, il commença à reprendre conscience lentement. Il sentit une nouvelle gifle s’abattre sur sa joue, qui le fit, cette fois, enfin ouvrir les yeux. La lumière l’agressa mais malgré tout il reconnu tout de suite le visage de son meilleur ami Tyron qui se tenait au dessus de lui, l’air sévère. Adrián était assis à même le bitume, son épaule dégoulinante de sang.
ILICITO
-Espèce de gros enfoiré! Ça fait des heures que je te cherche! T’as détalé si vite que personne a vu où t’es parti!
-Les autres vont biens?
-Ouais, un deux blessés mais personne de mort, les représailles se sont bien passées. Mec, avec tes cheveux long, on dirait un putain de clochard, viens, on rentre chez moi.
Tyron lui tendit la main. Adrián l’observa longuement. Son ami avait beau toujours tirer la gueule, il lui sauvait le cul bientôt tous les jours. C’était grâce à lui qu’il avait connu le gang où il travaillait. Il vivait la plupart du temps chez lui et tout ça sans rien lui demander. Alors oui bien sûr, Adrián l’aidait, surtout avec son petit frère qu’il devait élever seul mais ouais: il lui avait clairement sauver la vie plus d’une fois. Adrián eut un de ses éternels grands sourires d’idiot tout en regardant Tyron.
-Frère t’as un problème? Pourquoi tu me fixes avec ta tête de con?
-Rien, désolé j’admirais ta beauté, hermano.
-Connard, ferme ta gueule! Je te jure t’es tellement pas drôle comme gars. Genre tellement pas drôle que j'vais t'surnommer Funny Man. Allez vient faut qu’on soigne ton coup de couteau à l’épaule, puis mon frère est tout seul à la baraque donc on f'rait mieux de se bouger.
Adrián ricana, attrapa enfin la main de Tyron et se leva. Il tapota l’épaule de son meilleur ami et le suivit jusqu’à l’appartement. A peine arrivé, il entendit des pas de courses et un petit gamin d’à peine cinq ou six ans surgir devant eux.
-Tyron t’es rentré! Oh, salut Adrian!
-Salut Jordan.
-T’es plein de sang.. tu t’es fais agressé par un méchant?
-Ouais... ouais c’est ça.
Clama Adrián dans un léger sourire. Il ébouriffa les cheveux du petit frère, lui fit un petit clin d’œil et suivit Tyron pour se faire soigner. Même si Jordan était un vrai pot de colle avec lui, il l’adorait... Ils étaient de toute manière tous les deux ses frères, ses vrais frères. Après tout, c’est comme s’il vivait ici. Il s’assit, Tyron s’occupa de le désinfecter et le recoudre. Il s’alluma un nouveau joint et du coin de l’œil, il resta attentif, surveillant Jordan pour qu’il ne fasse pas de bêtise. Finalement, il devait s’avouer une chose, il aimait vraiment cette vie de criminelle et en plus... Il avait trouvé une toute nouvelle famille. Bien que la sienne lui manquait et qu’il ne la reverrait certainement jamais. Sous cette pensée, il ferma enfin les yeux, un grand sourire aux lèvres.